Les Faëes

Peu après la création du monde, les Démiurges se partagèrent les terres émergées. Le Haut Roi des Faëes se révéla le plus subtil d'entre eux. Son domaine était caché, comme lové dans le Fluide - inaccessible à ses rivaux. Les mages appellent ce territoire au-delà de l'espace et du temps Autre monde, Sidhe ou tout simplement Faërie.

A partir du Sidhe, le peuple faë déferla sur le continent et les îles. Après avoir séjourné aussi longtemps dans ce lieu étrange saturé de Fluide, les faëes avaient revêtu des formes changeantes, fugaces, ondoyantes. Selon l'endroit où elles s'installèrent, elles prirent tel ou tel aspect définitif :

- les faëes qui colonisèrent les bois et les forêts furent appelées Faëes vertes. Les hommes devinrent les Faunes, les femmes les Dryades. Les fruits de leurs unions étaient eux aussi, selon le sexe (filles ou garçons) des Dryades ou des Faunes. Sensuels et pacifiques, les faës vertes préféraient se cacher des autres peuples.

- des faëes plongèrent dans les rivières ou les fleuves et ressortirent sous le nom de Faëes bleues, ondines ou naïades. A l'exception de quelques ondins, la quasi-totalité des Faëes bleues étaient des femmes. Ce peuple est réputé pour son caractère exalté et capricieux.

- d'autres préférèrent les montagnes et furent surnommés Faës bruns. Les autres peuples leur donnèrent bien des noms : brownies, bergleutes, nisses ou dvergars, parfois tout simplement nains ou gnomes. Comme les Faunes, les Faës bruns étaient tous des hommes – c'est pourquoi, à l'exception des autres faëes, on parle de "Faës bruns" et non de "Faëes brunes". Ils épousaient souvent les ondines des sources et lacs souterrains, parfois des Dryades des haute forêts. Ainsi, ils se multiplièrent et bâtirent un vaste royaume à l'emplacement actuel de l'Archiduché d'Olmérion.

- les faëes les plus proches du Haut Roi construisirent de fabuleuses et extravagantes cités. Celles-ci étaient érigées à l'emplacement actuel de la Nortaine. Leurs habitants prirent le nom de Faëes blanches. Ils furent appelés Elfes ou Nymphes par les Enéens, Huldres par les Varègues.

Au sud des cités elfes s'étendait le vaste empire énéen, fief du Démiurge à tête de taureau, qui commandait à la foudre et au tonnerre. Lorsque la guerre des Démiurges éclata, les Faëes blanches battirent le rappel des troupes. Les autres Faëes furent sommées de venir les aider. Les Faëes vertes s'exécutèrent, mais la guerre leur répugnaient. Les Faëes bleues vinrent et coulèrent les galères de l'adversaire. Les Faës bruns furent obligés d'abandonner leur propre royaume, attaqué par les Varègues du Père des Géants, pour défendre les cités des Faëes blanches.

Les batailles se succédèrent. Il devient bientôt évident que les Faëes blanches préservaient leurs forces au détriment des Faës verts et bruns. Favoris du Haut Roi, les Elfes formaient les officiers d'état-major et les troupes d'élite de l'armée faëe. Les Faës verts et bruns en conçurent un profond dépit. Manipulés par Sangren, rusé général de Tête-de-Taureau, ils firent sécession.

Les Faëes vertes furent accueillies avec joie dans les forêts énéennes. Il est dit que Tête-de-Taureau appréciait la compagnie des Faunes et les charmes des Dryades.

Les Faës bruns, décimés, se réfugièrent dans les hauts sommets des Septèmes et fondèrent le royaume d'Evergar.

La dernière bataille entre les légions énéennes et les Faëes blanches se déroula sur un vaste terrain dégagé aujourd'hui appelé la Plaine des Chanteplores. Le combat commença à l'aube. A midi, l'issue de la bataille restait indécise. Les ombres s'allongeaient lorsque les machines de guerre énéennes eurent enfin raison des protections magiques faëes. Les légions firent une percée. Désespéré, le Haut Roi commença à chanter… Les ombres des Faëes blanches prirent vie. L'armée faëe ainsi doublée, galvanisée, fit reculer les légions.

Les pertes énéennes furent lourdes, tant les légionnaires furent effrayés par ce prodige. Mais la discipline reprit le dessus et la retraite s'organisa.

Le soleil allait se coucher lorsque les trompettes sonnèrent la victoire des Faës blanches. Une victoire bien amère. Le Haut Roi avait donné vie à un nouveau peuple faë. Mais même un Démiurge ne peut créer une âme. Les ombres se tournèrent donc vers les Faëes blanches, pour leur arracher leur âme. Les deux peuples, l'ancien et le nouveau, les Faëes blanches et les Faëes noires, s'entre-déchirèrent. Le Haut Roi se creva les yeux pour ne pas assister à ce spectacle déchirant.

Le lendemain, les légions énéennes revinrent. Aucune armée ne se dressa pour les attaquer. Ainsi Tête-de-Taureau vainquit le Roi Aveugle.

Les Faëes noires se réfugièrent dans les ténèbres des cavernes. Les Faëes blanches s'éparpillèrent.

Beaucoup se replièrent dans les forêts touffues de l'ouest et du nord, désertées par les Faëes vertes. A leur tête, deux fils du haut Roi : Fendarël et Ausriak, qui fondèrent chacun leur propre royaume.

Certaines Faëes blanches furent recueillies par les Faëes bleues : elles apprirent à respirer sous l'eau et gagnèrent la haute mer. Elles devinrent les elfes des mers, les tritons et les sirènes.

D'autres fuirent vers l'Est. Elles rencontrèrent les Faëes bruns qui avaient refusé de quitter leur pays et se cachaient des Varègues. Poussés par la nécessité, les deux peuples s'allièrent. Les descendants de ces Faëes blanches, rejetant l'arrogance de leurs ancêtres, se font maintenant appeler Faëes grises. Leur première cité fut même baptisée Morteracine.

Enfin, une poignée arriva à regagner le Sidhe.