[19] Escale paisible à Nuln

Les fils du baron allaient partir pour Altdorf, quémander une audience auprès de l’empereur. Sans doute pour obtenir une confirmation des titres de Konrad ou d’autres faveurs insignes. J’ignorais comment les deux frères allaient se supporter durant ce long trajet... Enfin, pour être honnête, cela ne m’importait guère. Car je faisais parti du voyage ! Mon mentor m’avait enfin libéré. Les plaines et les coteaux de l’Averland ne me manqueraient guère. Le Collège Céleste m’attendait !

J’emportais toutes mes économies, honnêtement gagnées en pillant, en dénonçant et même en rendant quelques services au baron. Je comptais m’amuser un peu lors de nos escales dans des villes civilisées. Car, une fois entré au Collège Céleste, je risquais de n’avoir guère de temps pour l’oisiveté !

Notre périple commença sur la vieille route naine, que nous suivîmes jusqu’à Averheim. Les deux frères et leur suite devaient intimider les bandits de grand chemin - pour une fois nous ne fûmes attaqués par personne ! Trouver une place sur un navire fut plus ardu. L’Empereur faisait le tour de ses Comtes, il se rendait justement à Nuln... Le Reik et l’Aver promettaient d’être encombrés. Les capitaines étaient pressés et les dockers en profitaient pour faire monter les prix. Finalement, nous sommes arrivés à un arrangement avec un officier pragmatique. Pour partir au plus vite, il fallut aider l’équipage à charger les cales pendant la nuit...

Nous remontâmes tranquillement l’Aver. Au bout de trois jours, l’ennui m’avait rendu à moitié fou. Les cartes, les dés, les osselets n’offraient qu’une piètre distraction. Je n’osais pas m’exercer à la magie devant les matelots, m’attendant à quelque réaction superstitieuse. En fait, j’avais renoncé pour le voyage aux colifichets ésotériques censés me distinguer de la plèbe. Mes dernières expériences m’avaient plutôt incité à faire preuve de discrétion. Sigmar sait que ce n’est pas dans ma nature !

Notre navire accosta près de Nuln, non sans difficultés compte tenu de l’affluence... Karl Franz n’était pas encore arrivé, mais les rues étaient pleines de monde. Pour être franc, ma première réaction devant la plus grande cité que je n’avais jamais vue... fut de me boucher le nez. Une véritable infection, de quoi me faire regretter le purin averlandais !

Dénicher rapidement un navire pour Altdorf se révéla impossible. Après l’arrivée de l’Empereur, peut-être... Nous dûmes nous séparer pour trouver un logis. Je me retrouvais avec le maître d'armes estalien (encore !) et le garde-chasse nain.

C’est à partir de ce moment précis que... que... qu’il ne s’est rien passé.

Rien du tout.

Enfin...

Certes, nous avons erré... jusqu'à échouer dans le quartier bourgois de l'Handelberzik. Je dois le reconnaître, nous avons miraculeusement trouvé un peu de place dans une auberge assez luxueuse, la Comtesse Rouge. Un nom tout à fait banal. En fait, un client qui avait réservé sa chambre ne s’était pas présenté. Rien d’étrange là non plus. Une heureuse coïncidence, voilà tout.

Bien sûr, il n'y avait qu'un seul lit. L'estalien avait meilleur allure que le nain et moi, l'aubergiste l'avait d'ailleurs pris pour une sorte d'aristocrate en goguette... L'hidalgo s'adjugea donc la meilleure place. J'étais trop fatigué pour protester. Le nain se vautra sur le coffre, une position sans doute habituelle pour les membres de sa race rapace !

Je tirai la carpette devant la porte et je m'installais tant bien que mal pour la nuit. Oui, devant l'entrée, et alors ? Je n'avais pas tout à fait confiance, voilà. Là, j'aurais été réveillé si un malandrin avait essayé de pénétrer dans la chambre pour nous détrousser...

Un choix prudent, donc. Mais il ne s'est rien passé.

Ce choix aurait pu s'avérer judicieux si une délicieuse jeune femme avait frappé à la porte. Une beauté voilée, exotique et mystérieuse, que j'aurais pu admirer... avant qu'elle ne s'éclipse, s'excusant de son erreur, sans que je puisse la rattraper.

Dommage.

Ce choix serait d'autant plus avisé que, pendant la nuit, l'infortuné occupant du lit aurait pu se faire assassiner ! Il faut dire qu'il se serait bouché les oreilles avec de la cire pour ne plus entendre les ronflements du nain... pour finalement être réveillé par la morsure d'une dague. L'agresseur aurait été surpris en découvrant le visage de sa victime... Plutôt que de l'achever, il aurait tenté de s'enfuir. Là encore, je n'aurais pas été assez rapide pour arrêter l'énigmatique silhouette. Mes sortilèges l'auraient à peine blessée avant qu'elle ne saute par la fenêtre et ne disparaisse dans une ruelle.

Oui, heureusement qu'il ne s'est rien passé de tout cela. Rien du tout. Sinon, un diestro estalien aurait été obsédé par la vengeance... m'obligeant à le suivre.

L'aubergiste se serait excusé pour le désagrément et, pour que ne fassions aucun scandale... il nous aurait appris le nom du client s'étant décommandé à la dernière minute : Josef Machholt. La fille qui le cherchait se serait nommée Shérazade, sans doute une, comment dire, professionnelle de la profession.

Quelques chopes de bière offertes à des agents du guet auraient pu nous apprendre où trouver certaines filles exotiques... dans un établissement appartenant à la famille Bertoli, les Délices de l'Orient.

Nous y serions entrés. Là, l'hidalgo arrogant aurait éructé de sombres menaces et se serait couvert de ridicule devant les reîtres protégeant les lieux. Pendant ce temps, j'aurais admiré un décor somptueux censé évoquer les charmes arabéens... L'ameublement se serait révélé plutôt tape-à-l'oeil, au final, mais très confortable. Evidemment, nous aurions été obligé de quitter l'endroit.

Toutefois, j'aurais très bien pu y retourner. Seul. Et persuader les brutes que "Josef" m'avait conseillé à la fois le gîte et une des hôtesses. Finalement, j'aurais bu un thé à la menthe brûlant pendant que Shérazade se proposait de me masser. Pour quelle chose de plus intime, il aurait fallu passer à l'étage. Les prix proposés auraient été prohibitifs... mais pas hors de portée du budget que je m'étais alloué pour batifoler un peu. Bref, je me serais payé du bon temps, j'aurais été tendre et compréhensif, j'aurais donc obtenu de précieux renseignements sur l'un des clients les plus fidèles de la jeune femme.

Un étudiant plus ou moins zélé, un fêtard connu sur tout le campus...

L'estalien et le nain, décidément très à l'aise avec les alcooliques, auraient fini par mettre la main sur Gunther... l'un des meilleurs amis de Josef. Il ne se serait pas trop fait prier pour compléter le tableau.

Un compagnon de beuverie généreux, un coureur de jupons, un fils de bourgeois qui avait les moyens d'être généreux...

Et là, les choses se seraient gâtées. Nous avons vraiment eu de la chance de passer une si bonne nuit. De dormir sans être dérangé. Par personne. De ne pas être partis à la recherche d'un inconnu.

Parce que nous aurions fatalement fini par remarquer un vieux scélérat à qui il manquait une oreille. Un gars qui aurait eu une tête à s'appeler Hans, qui traînerait dans les mêmes endroits que nous, qui chercherait la même personne que nous.

Et là... Nous l'aurions suivi, sans nous faire voir. Jusqu'au quartier noble, l'Altstadt, devant la demeure de la famille Haintz. Il y aurait eu une scission dans notre petit groupe, ce serait inévitable. L'estalien aurait voulu questionner les aristocrates, les gens de son espèce vaniteuse, alors que le nain et moi-même... préférant tenir que courir... aurions continué à filer la canaille.

L'homme à l'oreille coupée se serait rendu tout droit dans l'un des quartiers les plus pauvres de Nuln, sur l'autre rive du Reik. Il se serait arrêté dans une taverne miteuse et moite, le Retour du Flibustier. Toute la panoplie du bouge : le plancher couvert de paille défraîchie, les bancs branlants et poisseux, les tables pleines de taches... et je ne parle pas que des gueux faisant office de clients !

Nous aurions siroté une bière... du bout des lèvres, tellement le breuvage semblait immonde... pendant que Hans et le tenancier discutaient. Un dialogue des plus agités. Curieux d'en savoir plus, nous aurions discrètement tendu l'oreille. Le tavernier aurait affirmé que son fils Rudolf finirait le boulot. Hans se serait énervé, aurait tempêté, menacé. Avant de repartir.

C'est bien qu'il ne se soit rien passé. En mettant la main sur ce Rudolf, rôdant autour de la Comtesse Rouge, j'aurais pu prendre quelques mauvais coups. D'ailleurs, le nain et moi-même aurions été obligés de le molester... voire de le massacrer un peu... pour le faire parler. Cette crapule aurait presque pu me tuer !

Quelques coups de pieds dans le ventre plus tard, nous aurions décampé pour retrouver l'estalien. Celui-ci se serait fait attendre. Finalement, il nous aurait laconiquement raconté l'histoire d'une famille noble mais désargentée, de la promesse d'un beau mariage pour la fille unique, de son amour pour un certain fils de bourgeois, d'une grossesse imprévue, de la colère des futurs grands-parents... enfin, du père dont on ferait mieux de se débarrasser, de peur qu'il n'ébruite l'affaire !

J'aurais dû me demander comment l'hidalgo avait découvert tout cela, pourquoi les Haintz l'avaient laissé partir s'il savait tout. Par bonheur, il ne s'est rien passé. Rien du tout. Quel soulagement.

Si cela était arrivé... Nous serions retourné voir Gunther. Après une soirée bien arrosée, nous aurions manqué d'être arrêté par les gardes, particulièrement vigilants. Oui, l'Empereur avait fini par arriver. Et les forces de l'ordre jetaient tous les fauteurs de troubles, les gueulards, les ivrognes, au trou pendant quelques jours...

J'aurais hélas eu un éclair de génie. Josef, ce soûlard invétéré, ce fêtard impénitent... devait être dans une geôle !

Là, j'aurais fait confiance à l'estalien. M'attendant à ce qu'il transperce bientôt Rudolf de son épée, je l'aurais suivi à la prison. Nous aurions obtenu la libération de Josef. Et, un quart d'heure plus tard, dans une ruelle... l'hidalgo lui aurait froidement enfoncé trois pouces d'acier dans le coeur. Pour se venger de la blessure qu'il avait prise à sa place. Surtout, parce qu'il avait été payé par les Haintz après leur avoir expliqué l'échec de leur première tentative !

Rudolf ? Il s'en sortirait apparemment sans plus de désagrément que les blessures que le nain et moi lui avions infligées. J'aurais dû m'acharner un peu plus quand il était à terre. A moins que les Haintz ne décident de couvrir leurs traces ?

J'aurais eu pitié de Josef. Le bougre n'était qu'un jeune noceur plutôt innocent... depuis mon après-midi avec Shérazade, je trouvais même qu'il avait plutôt bon goût en matière de femmes !

L'estalien nous aurait forcé, le nain et moi, à accepter quelques couronnes... pour faire de nous ses complices, pour acheter notre silence. Terrifié, j'aurais accepté. Cet or me brûlerait la main. Je déciderais de le dépenser entièrement... aux Délices de l'Orient, en mémoire de Josef.

Un drame ! Heureusement, le temps passé auprès de Shérazade, avant que ne ne trouvions enfin un navire quatre jours plus tard... sera toujours un souvenir cher à mon coeur. Je crois que j'avais besoin de me sentir en vie après tout ceci...

Hein ? Mais non. Puisque je vous dis qu'il ne s'est rien passé. Heu... Oui, j'ai passé presque toute la semaine dans un bordel. Voilà. Vous êtes content ? Et rien d'autre.

Rien du tout.

Les psychopates sont nos amis...et l'argent sale ne semble pas effrayer les soit disant honnêtes gens...heureusement qu'il ne s'est rien passé , parce que sinon certains feraient bien de faire attention à leurs actes, moi je dis! ^^

En fait je n'ai pas maitrisé. Aucun xp, aucune couronne. Absolument rien.
^^

Comme d'hab, j'ai copié vos exploits sur la Gazette.

Ca c'était un scénar fait pour mon perso.
Enfin, cela aurait pû être puisqu'il ne s'est rien passé.

Le mot de la fin: fumiers!!!!!!

C'est vrai qu'un psychopate de plus ou de moins...^^

Pour le moment, je n'ai qu'un assassin potentiel à surveiller. Avec le personnage de Nicolas... mon magicien commencerait à loucher !

Hu hu hu !

Dans tous les cas, on ne pourra pas reprocher à Rodolphe de se donner des objectifs de carrière et de se donner les moyens d'y arriver...