Pascal :
Ce que nous craignions tous venait d'arriver. Nous étions entrés en guerre avec nos deux voisins les plus proches. Mathias le félon, après avoir essayer de provoquer plusieurs émeutes dans notre baronnie, nous envahissait par l'ouest. Son complice, Gothar l'idiot, ouvrait un deuxième front au nord (je dis l'idiot car pour se faire kidnapper sa soeur et humilier son champion par mon frère, il faut quand même en tenir une sacrée couche). Les deux routes qui nous reliaient au reste de l'Empire étaient coupées, et un blocus avait été mis en place. De plus, notre position militaire était fort délicate. Nous devions conserver une garde importante dans la Passe du Feu Noir, toujours menacée par les orques et les gobelins. Le reste de nos hommes ne pouvait faire face sans aide extérieure aux deux armées ennemies. Et notre dernier voisin, à l'est, pourtant redevable à ma famille (voir premier scénario), refusait de prendre parti.
Notre situation était donc quasi désespérée. Typiquement le cas où mon père se souvient qu'il a un fils dédié à Sigmar. Comme si cela ne suffisait pas, il avait un de ses fameux plans pour nous sortir de là...
Enfin, je sais maintenant pourquoi il tient tant à ce que je devienne prêtre. Seule la miséricorde infinie de Sigmar a pu lui permettre de triompher dans ses batailles. A sa place, ce sont mes trois fils que j'aurais donné à Sigmar le victorieux...
Tout partait pourtant d'une excellente nouvelle. Notre bien aimé Empereur avait autorisé la baronnie à posséder des canons pour garder la Passe du Feu Noir. Cependant, la guilde des armuriers d'Altdorf avait obtenu le marché, au détriment de celle de Nuln, pourtant beaucoup plus proche de nous. Une fois terminés, nos canons devaient prendre le chemin du Reik, fleuve majestueux et principale artère irriguant le coeur économique de l'Empire. C'est là que le génie de mon père avait réglé le point le plus épineux : comment faire passer les canons au nez et à la barbe de nos ennemis. Une livraison de statues au chantier de la cathédrale de Sigmar, en construction dans notre capitale, était prévue de longue date. Il y avait inclus nos canons, dissimulés dans de fausses gargouilles en plâtre. Malgrè le blocus, il était peu probable que nos ennemis empêchent une cargaison d'inspiration divine de pénétrer sur nos terres.
Bien sûr, le clergé de Sigmar de Grissenwald venait de nous prévenir que la barge contenant la cargaison avait disparu. Escorté par le Maître d'armes et notre dernière recrue, un mercenaire peu commode, je devais retrouver les canons de toute urgence. Personne ne s'étonnerait qu'un initié de Sigmar soit envoyer par son culte à la recherche d'une cargaison égarée sur le Reik. Je savais pourtant qu'une robe de bure faisait une piètre couverture...
Nous partîmes à cheval par les collines vallonées de l'est, seule région de notre fief épargnée par la guerre. Le voyage jusqu'à Grissenwald se fit sans encombre, et je n'eus pas à puiser trop largement dans la bourse de 1000 couronnes donnée par mon père. L'importance de la somme, surtout comparée à la pingrerie habituelle du baron, prouvait le caractère vital de notre mission.
Une rapide enquête du mercenaire nous appris que la barge avait été aperçue à la dernière auberge relais avant Grissenwald, et qu'elle n'était jamais arrivée à la cité. Aucun autre bateau n'avait été déclaré manquant, mais plusieurs fermes des alentours avaient été brûlées récemment par une bande de bandits. La population locale soupçonnait quelques nains désoeuvrés après le rachat de leur mine de charbon par une noble de Nuln. Effectivement, ces nains avaient oublié la fierté de leurs ancêtres. Notre Maître d'armes estalien fut agressé par deux d'entre eux, forts éméchés, qui le traitèrent de sale elfe à cause de son parfum. A leur décharge, ils ne manquaient pas d'un certain bon sens. Je réussis à les calmer avant que la taverne ne devienne un véritable champ de bataille.
Après réflexion, je décidai de demander aux nains leur version. Je pénétrais escorté du Maître d'armes dans leur ghetto à l'extérieur de la ville (comme quoi certaines choses ne changent décidément jamais). Je réussis à convaincre l'un d'entre eux de me conduire jusqu'à leur chef. Je dus cependant pénétrer seul dans sa demeure, mon compagnon étant particulièrement incommodé par l'épaisse fumée des pipes naines. Son ascendance elfe ne faisait plus guère de doute, et la clairvoyance des nains m'étonnera toujours. Le seigneur nain m'affirma que sa mine lui avait été volée par une sorcière et que son peuple n'était pour rien dans notre affaire. Emu par son désespoir et son évidente sincérité, je lui proposais de nous entraider : nous l'aidions à récupérer sa mine, et il nous aidait à retrouver notre cargaison. Il promis de réfléchir à ma proposition, et nous nous quittâmes bons amis.
Pendant ce temps, le mercenaire avait poursuivi ses investigations, et retrouvé les restes d'une barge carbonisée, enlisés dans un méandre du fleuve. De nombreux bras seraient nécessaires pour sortir la cargaison de là, ainsi que pour sonder le fleuve si des caisses avaient versées pendant le naufrage. Plusieurs flèches d'origine gobeline étaient encore fichées dans quelques caisses. Le lendemain, je confirmais après un bref plongeon qu'il s'agissait bien de l'épave de la "Fierté de Sigmar" qui convoyait notre cargaison, et qu'au moins une des caisses contenant un canon se trouvait à bord.
D'après mes estimations, le coût du chantier qui nous attendait allait dépasser de beaucoup le budget alloué par mon père. Nous n'avions pas le choix, et nous retournèrent dans le ghetto nain pour finir de convaincre les nains des bienfaits d'une entraide cordiale. Je parvins à convaincre leur chef de nous confier deux des quatre guerriers qui lui restaient, et nous nous dirigeâmes sans plus tarder vers leur mine, située dans les Crêtes Noires au sud de Grissenwald.
Sur le chemin, nous découvrîmes un nain mourant, entourés des cadavres de quatre gobelins. Avant de mourir dans mes bras, il me confirma que la mine était occupé par un clan de gobelins ! Rendus circonspects par cette affreuse nouvelle, nous finîmes par arriver devant la mine. Afin de ne pas se laisser submergés, nous décidâmes de commencer notre reconquête par la tour qui servait autrefois de baraquement aux nains. L'étroitesse des pièces nous garantissait que le nombre des gobelins les aiderait peu.
Sigmar était avec nous ! En ouvrant la porte de la tour, nous tombâmes nez à nez avec un vigile... endormi. Le Maître d'armes l'expédia vite "ad patres", et nous pûmes entrer à l'intérieur. Chaque pièce fut explorée avec la même méthode : je me baissais pour ouvrir la porte, couvert par l'arbalète du mercenaire. Son habileté au tir nous permis de réduire instantanément le nombre des gobelins lors des deux combats que nous dûmes menés. Treize autres gobelins rejoignèrent vite leur vigile. Un nain fut tout de même gravement blessé, mais il refusa obstinément de rester derrière nous. Je soignais avec succès les blessures légères de mes compagnons. Malheureusement personne ne put faire de même pour les miennes. Nous pûmes sauver une domestique halfeling terrorisée qui s'était barricadée dans la cuisine. Son nom, Boulotte, était pathétique mais peu surprenant pour sa race. Elle nous appris qu'elle était la suivante d'une sorcière de Nuln qui avait curieusement décidée de s'associer à un clan de gobelins. Elle était partie il y a peu, laissant ses petits camarades verts ravager la tour. Boulotte nous appris aussi que la cavalerie sur loup des gobelins et le chef du clan résidaient dans les souterrains de la mine. Après une courte prière à Sigmar et Grungni, nous nous armâmes de courage avant de pénétrer dans les profondeurs de la terre...
Nous progressions avec prudence dans les tunnels quand nous entendîmes des jappements sur notre droite. En remontant les bruits, nous trouvâmes vite une grotte transformée en chenil par les gobelins. Malgré l'habileté au tir proverbiale du mercenaire (un tir, une vie !), le combat contre une demi-douzaine de loups nous laissa dangereusement affaibli. Je fis cependant de mon mieux pour apaiser les blessures de mes compagnons. Alertés par les fracas de notre combat, le reste du clan gobelin s'était regroupé dans une vaste grotte. Nous les y débusquâmes. Lors de notre entrée, nous ne pûmes hélas pas rater le pitoyable spectacle proposé par leur chef. Revêtu de la robe et des bijoux de la sorcière, il gesticulait dans tous les sens, en essayant sans doute de lancer un sort. Nos pupilles étaient brûlées, certes, mais cela n'avait rien de magique...
Le combat s'engagea. Les loups et gobelins restants attaquèrent notre groupe. Blessé, je décidais de rester en arrière, mais mal m'en pris. Leur chef, dépité par le peu de succès de son show (pensez donc, même pas un rappel) me chargea. Je ne faisais pas le poids. Un violent coup de son fléau faillit arracher un de mes bras. Le choc et la douleur me firent m'évanouir. Je croyais être mort. Une douce chaleur m'enveloppait, tandis qu'une délicate symphonie enchantait mes oreilles. Je crus même apercevoir le visage dont j'avais tant rêvé : celui de ma mère, morte à ma naissance, qui venait m'accueillir devant les portes du paradis...
C'est là que je me réveillais, dans un lit inconnu. Je me trouvais à l'hôpital de Grissenwald. Un médecin était à mon chevet et me demandais comment j'allais. J'avais été arraché à ma mère et au paradis, et le dernier souvenir que je gardais de notre expédition était celui d'un gobelin hystérique en robe me lardant de coups...
Pathétique, mais à l'image de ma vie sans nul doute.
J'appris que mes compagnons avaient réussi à vaincre les gobelins. Devant le succès de l'expédition, les nains reconnaissants avaient déjà commencé à récupérer la cargaison. Leur expérience dans les travaux publics était fort appréciable pour renflouer l'épave. Le clergé de Sigmar local avait aussi demandé à ses fidèles de les aider. Grâce à tous leurs efforts, nous réussîmes à récupérer nos trois canons ainsi que la moitié des statues. Seul point noir, notre Maître d'armes avait échoué à convaincre Boulotte de devenir chef cuisinière de notre baronnie. Quel dommage, cela aurait pu améliorer de beaucoup notre ordinaire. Je ne savais pas que même les halfelings détestaient les elfes.
Le voyage de retour pouvait commencer. Nous réussîmes à trouver une barge libre qui accepta de nous emmener jusqu'à Averheim, capitale de l'Averland. J'y louais des charettes et pris la tête du convoi vers Grenzsdtat, tandis que mes compagnons, dangereusement connus de nos ennemis, prenaient une route détournée pour rentrer chez nous. Je réussis à passer le blocus, moyennant un pot de vin pour réveiller la Foi déclinante des gardes frontières.
Grâce à ses foutus canons, mon père put repousser ses ennemis loin de Grenzdtat. Ils continuaient cependant à occuper quelques villages près de leurs frontières. Quand à moi, je reprenais ma vie d'ascète, résolu à retrouver dans la prière le peu de réconfort obtenu lors de mon évanouissement. De toute façon, cela n'était que partie remise, j'étais convaincu que Sigmar me rappellerait bientôt à lui.